LA THEORIE DES FAMILLES D’EMOTIONS
La classification des émotions en « familles », se fait par les expressions faciales. Ainsi, on classe dans la même famille, des émotions de même nature qui diffèrent en intensité ou des émotions de nature différente mais qui partagent une expression faciale commune.
Historique des familles d’émotions.
De l’Antiquité à nos jours, de nombreux philosophes et chercheurs se sont penchés sur les familles d’émotions. Aristote (384-324 av. J.-C.) cite la colère, la pitié, la peur et le désir ainsi que leurs opposés et précise qu’elles sont suivies de plaisir ou de douleur. Descartes (1596-1650), énumère six « passions primitives » (l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse) et 34 autres passions, qui naissent des combinaisons des six premières ou qui en découlent.
Pour Darwin (1972), les hommes et les animaux possèdent des expressions comprises par tous pour exprimer certaines émotions de base, indispensables à leur survie. Pour lui, les émotions sont universelles (on peut les trouver dans toutes les cultures et tous les pays) et adaptatives (elles auraient favorisé la survie de l’espèce en permettant aux individus de répondre de façon appropriée aux exigences environnementales). Au début du 20ème siècle on considère que l’expression de toutes les émotions n’est pas innée mais au contraire acquise culturellement. Il faudra attendre 1967-68 pour qu’Ekman tranche le débat en faveur de Darwin grâce à des expériences sur des peuples de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Depuis, plus d’une trentaine d’études ont confirmé le caractère universel de plusieurs familles d’émotions.
Les émotions de base ou primaires.
Les émotions primaires existeraient dans toutes les cultures humaines et aussi chez la plupart des Vertébrés supérieurs. Il existe un nombre déterminé d’émotions de base. Elles sont caractérisées par 3 composantes spécifiques : des affects, des expressions comportementales et des manifestations physiologiques auxquelles ajoutent deux autres éléments plus variables: la tendance à l’action et l’évaluation cognitive.
Certaines émotions sont admises par tous, (la colère ou la peur) d’autres sont plus discutées (la joie, la satisfaction, etc.). Selon les auteurs, il est possible de distinguer entre 4 et 10 familles d’émotions de base. Darwin se basait sur 7 familles d’émotions qui selon lui partageaient une expression faciale universelle :
le bonheur (ou la joie)
la tristesse
la colère
le dégoût
la peur
la surprise
le mépris
Les émotions complexes ou secondaires.
Les émotions secondaires, dites également complexes ou mixtes proviendraient d’une combinaison des émotions de base. Elles ne sont pas universelles et se distinguent par leur caractère temporel durable et par leur apparition qui n’est généralement pas liée à un événement unique et imprévu.
Il existe plusieurs théories sur les émotions secondaires. Plutchik se base sur l’approche évolutionniste et dit que les émotions secondaires sont des mélanges de deux autres émotions primaires. Il a proposé un modèle multidimensionnel intéressant pour caractériser et classer les émotions primaires et secondaires. Oatley et Johnson-Laird, se basent sur l’approche cognitiviste pour énoncer qu’une émotion secondaire est la combinaison d’une émotion de base et de représentations mentales. Pour Damasio, les émotions secondaires se mettent en place à l’âge adulte, sur la base des émotions primaires que possède l’enfant et à partir des expériences de la vie.
Quelques exemples de spécificités selon les peuples.
De récentes études ethnologiques sur des civilisations très différentes de la nôtre, remettent en question la notion d’universalité des émotions primaires. Il existe en fait des spécificités selon les peuples et les cultures. Par exemple, il est des peuples éloignés et/ou isolés qui ne connaissent pas des émotions de base occidentales (ex : pas de colère chez les Esquimaux Utka) ou qui ne reconnaissent pas l’expression faciales de certaines de nos émotions. Inversement nous ne reconnaissons pas non plus toutes leurs expressions faciales. La manière de ressentir et d’exprimer des émotions est également différente au Japon, où des émotions particulières comme l’amae existent ou où l’on exprime ses sentiments par la modification corporelle (ex : « être en colère » se dit »le ventre se soulève »). Même au sein de l’Europe il existe des spécificités. Par exemple, en Espagne, la verguenza ajena décrit le sentiment que l’on peut avoir devant quelqu’un qui se comporte de façon inadéquate. Il existe aussi des peuples pour qui les émotions sont considérées comme apprises et non pas innées (ex : le cas de la peur pour les Iffaluks du Pacifique).
© Bénédicte Baur